
LA HORDE BALLET NATIONAL DE MARSEILLE
- par Véronique Vesval
Aucuns funérailles n’enterreront jamais la danse ainsi notre Grand Auditorium de Cannes a reçu ce dimanche les vibrations positives du BALLET NATIONAL DE MARSEILLE. Un mot sur cette troupe qui succède, dans la joie, composite de la jeunesse, à la gouaille des habitants des villes de Paris ou de Marseille, mais en dansant.
Éternellement transmise de l’époque de l’Art Moderne pictural transposé en chorégraphies par Roland Petit (né en 1924 !) qui est à l’origine des Ballets de Marseille et qui, avec sa danseuse étoile préférée, partenaire pour la vie Zizi Jeanmaire.
Ils avaient tous deux une attitude moqueuse et insolente dont ils avaient marqué leurs chorégraphies. Ils avaient du style. Ils auraient certainement adoubé cette nouvelle direction du Ballet National de Marseille composée de Marine Brutti, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel et depuis 2013, portant le nom collectivement de LA HORDE.
La Horde de Marseille, ce soir, présentait quatre chorégraphes unis par un nouvel esprit quoique dans l’air du temps, en 2021 en France jusqu’à 2025 qui ne chambouleront pas la danse comme en son temps le célèbre William FORSYTHE, danseur qui a magnifiquement révolutionné la chorégraphie après BALANCHINE ; mais, puisqu’ils sont rassemblés Tou.te.s ! dans la singularité, c’est en effet contemporain, actuel et original et c’est ce que veut nous démontrer cette troupe jeune et joyeuse, gardant le niveau tout de même.
Un peu comme dans l’architecture de Bauhaus… (ou de celle de leurs magnifiques locaux situés à Marseille où la compagnie depuis 1972 réside au sein du parc Henri Fabre, entre le Prado et le quartier Saint-Giniez à Marseille) tous ces ballets laissent l’imagination du spectateur galoper, mais veut dire quelque chose « dans un monde où l’épanouissement est sans cesse entravé » la musique elle aussi globalement aux sons mélodieux, mais un peu hachés est composée du violon et du violoncelle qui prédominent parfois comme des bruissements d’ailes légers, jolis pourtant comme celui du bienfait du souffle de la créativité propre à la danse et qui est formidable à ressentir autant qu’à voir et c’est alors réussi !
La chorégraphie ici, tout du long, bien que multipliée quatre fois reste cadrée dans un même état d’esprit avec des sursauts nombreux d’humour, de justesse, de fantaisie.
Amusante, fraîche et extrêmement créative, LA HORDE porte bien son nom. Quoi de plus significatif de l’expression de la liberté que le symbole des chevaux en liberté dans une Camargue de l’imagination exacerbée ! Un monde contemporain de personnages fait également de culbutos qui retombent toujours sur leur posture initiale, ils résistent aux vents mauvais dans le deuxième ballet OneOffoourPeriodsinTime de TANIA CARVALHO (15 danseurs) plus politique, mais drôle, car les danseurs en chaussettes rouges ont des costumes charmants faits de tulle gris sablé.
Leur visage est marqué par la stupeur, le groupe recule devant un danger que l’on ressent aussi, mais que l’on ne voit pas, sans doute un tsunami, mais leur costume fait penser aux habitants de Pompéi en toges courtes.
Il fut un mouvement chorégraphique qui fait penser aux petites vaguelettes du bord de la mer Méditerranée, toujours présente heureusement, car le titre de ce ballet est bien inspiré de l’écriture inclusive et les danseur.se.s Tou.te.s ensemble s’en donnent à cœur joie, dépeignant sans même le vouloir notre époque contemporaine funeste pour la langue française, mais fugace comme la mer, car mobile…on peut ne pas être d’accord, mais apprécié le tour de main de ces jeunes qui dansent chacun de leur côté, échangiste, mais échangeant tout de même de la sensibilité.
Quant au tout premier ballet TEMPO VICINO DE LUCINDA CHILDS, ce sont huit danseurs qui nous accueillent en début de représentation, il surprend dès l’abord par sa musique, celle de JOHN ADAMS, que l’on reconnait ainsi la lumière magnifique et ses effets sur la scène d’Eric WURTZ et la rigueur d’exécution de ses danseurs. J’ai beaucoup apprécié ces premiers tableaux de danse contemporaine.
Une fraîcheur se dégage tout au long du spectacle, celui de l’éternelle jeunesse et le second ballet en chaussettes rouges sont très amusants donc. Ensuite, MOOD nous a tous surpris avec les bonnets blancs à crinière rose, provocante certes la chorégraphie fut cependant endiablée et les costumes pailletés, chatoyants ont continué de faire référence à l’esprit irrévérencieux des Ballets de Roland Petit tout de même.
Bien sûr le niveau parfois, inégal, du fait que chacun danse selon son tempérament dompté par une chorégraphie à tendance (actuellement hélas) politique, mais efficace en matière de discipline globale ; ce qui à mon avis rend illégales, il est vrai, les prestations des danseurs quand ils sont nombreux.
On regarde alors ceux ou celles en fait ceux qui nous rendent heureux visuellement et la chorégraphie de l’ensemble reste magnifique, il y a tout de même quelque chose de magique qui résulte de tout cela par la gaieté et la fraîcheur et la qualité des interprètes qui aiment danser.
Pour ce troisième ballet, on assiste, sur une scène parcourue de déboulés exécutés par une fraîche danseuse passant au travers d’un groupe habillé de rose fluo et de bottes et de perruques, au goût plutôt emprunté au Crazy Horse flirtant avec le disco ou rappelant la grosse boule scintillante des boîtes de nuit.
Après un changement au noir comme au théâtre lors des changements des décors, dans l’obscurité sans baisser le rideau de la scène, les jeunes gens se métamorphosent et c’est très amusant en une compagnie toute de blanc vêtue pour attaquer un ballet et sa musique composée par DEUS D’ALLEGRI est à nouveau, plus sérieux toutefois, car LAZARUS la création de la chorégraphe Oona DOHERTY, Irlandaise d’origine avec vingt-deux danseurs.se.s de Marseille et cela repart ! Mais pour la bonne cause, fait référence à la jeunesse exclue de Belfast.
Une autre facette de l’humanité est provocante, la troupe des danseurs fait face alors au public, quand elle est violente, en quête de spiritualité peut-être, car il ne reste rien comme illusion ou croyance dans sa langue (ici les paroles en musique sont de l’argot irlandais) ou valeurs, on peut chercher quoi ? On peut sombrer dans la folie…collective ?…
Dans le quatrième ballet, cette violence d’une jeunesse dépourvue de tout, abandonnée pourrait aboutir à la folie ; ce qui me fait penser au pouvoir de l’expression dans la danse du ballet américain : je veux faire référence au ballet fabuleux de JAMES SEWELL tiré du film TITICUT FOLLIES – qui avait été interdit en 1967 – que j’avais vu en 2019 au festival de danse de Cannes.
- Véronique Vesval
- Cannes ce 24 février 2025

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Collaboration spéciale IDC, IDWG, Le Matin Canada, Le Paris-Diplomatique, Haïti-Observateur
Le Paris diplomatique / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN en cours (Imprimé)